Bustronaut dans la presse

  • Le Bustronaut : Jelle devient guide avec son bus source : De Andere Krant

    Le Bustronaut : Jelle devient guide avec son bus

    Photo : Peter Stuijck Texte : Stefaan

    Celles et ceux qui se détournent de notre système socio-économique finissent parfois par imaginer des solutions inédites. C’est le cas du Flamand Jelle D’Hulster, originaire d’Oostkamp : en 2023, il a vendu sa maison, quitté son emploi d’informaticien surmené et s’est installé dans un bus. Depuis son « Bustronaut », il propose désormais des voyages sur mesure, une alternative aux circuits de groupe trop chargés. “Je fais partie des personnes pour qui la période du coronavirus et ses répercussions ont tout changé. Avant 2020, en tant que père célibataire divorcé de trois enfants, je puisais déjà longtemps dans mes réserves et je repoussais sans cesse mes limites. Je gagnais bien ma vie comme développeur logiciel indépendant, j’avais presque fini de payer ma maison près de Bruges et, malgré une vie trépidante, je parvenais tout juste à faire tourner mon foyer. Un premier burn-out en 2008 fut un avertissement, en 2012 j’ai divorcé de la mère de mes enfants, mais à un moment, la petite voix dans ma tête est devenue de plus en plus insistante. J’ai compris que je me répétais depuis des années que je ne tiendrais pas cinq ans de plus. C’était tout simplement trop. Quand les confinements sont arrivés, c’était d’abord une bénédiction : je pouvais télétravailler davantage et j’économisais les trajets en voiture de deux heures et demie jusqu’aux clients. Mais lorsque mes deux aînés sont partis faire des études et ont quitté la maison, j’ai reçu le coup de grâce : un second burn-out. C’était en mai 2023. Je suis parti une semaine en Espagne avec ma nouvelle compagne, et elle devait littéralement me tirer partout. Elle m’a demandé : « Chéri, est-ce que tu serais en dépression ? ». J’étais épuisé.” “De retour en Belgique, j’ai complètement chamboulé ma vie. J’ai vendu ma maison et, le cœur serré d’amoureux des voitures, j’ai aussi cédé ma Jaguar F-Type, ma seconde voiture. J’ai acheté un autocar d’occasion de 12 mètres que j’ai commencé à transformer en habitation. L’an dernier, j’ai tenté de retravailler un mois et demi comme informaticien, mais ma santé ne me l’a pas permis. Même pendant cet entretien, j’ai malheureusement besoin de mes comprimés contre les migraines. Je suis retombé sur une petite allocation, j’ai pris le temps de réfléchir et j’ai décidé de poursuivre cette rupture radicale avec le passé. Je me sens un peu comme le canari dans la mine : celui qui prévient que tout le système est en train de s’effondrer, parce qu’il voit autour de lui des gens et des choses qui craquent. Avec mon double regard – celui d’un burn-out et celui de ma manière d’observer le monde –, j’identifie trois facteurs qui vont transformer en profondeur notre mode de vie occidental dans les années à venir. La première, c’est le changement climatique : je sais qu’il y a des convaincus et des sceptiques dans ce débat, et moi j’admets ne pas avoir toutes les réponses. Mais je vois bien que de longues périodes de sécheresse alternent de plus en plus vite avec des pluies diluviennes. Et qu’avec une maison, patrimoine figé, on ne peut pas réagir de façon souple à un climat qui peut basculer radicalement. Ensuite vient l’intelligence artificielle, deuxième grande rupture. La plupart des gens ne réalisent pas encore que, d’ici cinq à quinze ans, elle transformera complètement la société. L’IA double son QI tous les six mois. Il y a quelques mois, elle était aussi intelligente que l’être humain le plus brillant, avec un QI d’environ 160. Cela signifie que dans quelques mois, elle atteindra 320, puis 640. C’est exponentiel : toutes les IA apprennent les unes des autres, tandis que nous n’accumulons nos connaissances que de manière linéaire. Et si les ordinateurs quantiques et les avancées de la robotique s’y ajoutent, il se pourrait bien que nous voyions apparaître des voitures volantes ou d’autres innovations que notre cerveau humain n’arrive même pas encore à imaginer. Avec l’IA, 80 % des emplois actuels disparaîtront peut-être ; pour ne pas devenir fous ou suicidaires, nous devrons réapprendre à nous relier à la nature et les uns aux autres. Enfin, il y a notre système financier, sur le point de s’effondrer. Notre économie repose sur une montagne de dettes qu’on ne peut plus rembourser. Regardez les États-Unis : cette grande puissance paie aujourd’hui plus d’intérêts sur sa dette qu’elle ne dépense pour son armée, pourtant la plus importante au monde. À un moment, cela s’arrête : on ne peut pas continuer à imprimer de l’argent pour rembourser des dettes. Lors de mon second burn-out, je n’arrivais même plus à payer l’hypothèque de ma maison ; qui pourra et voudra encore le faire à l’avenir ? Je pense que de plus en plus de gens vont décrocher, et que notre mode de vie socio-économique traditionnel, celui que nous connaissons en Occident depuis la Seconde Guerre mondiale, ne pourra que changer.” “Je choisis maintenant de vivre dans mon bus, même si je vais louer une maison pendant une période de transition pour mon fils de seize ans et ma compagne, qui ne se voient pas y habiter en permanence. Je suis débarrassé de l’écrasante charge de mon prêt hypothécaire, et cela m’apporte une vraie sérénité. J’ai rebaptisé mon bus « Bustronaut », avec un site web. En ce moment, je termine encore la salle de bains, mais pour le reste, j’ai déjà transformé mon véhicule en camping-car tout confort pour quatre personnes. Ce sera ma vie et mon revenu. Le concept : je planifie des voyages, je les annonce et je propose à deux ou trois personnes de m’accompagner contre rémunération. Je construis un itinéraire et un programme sur mesure pour des individu·es ou des couples, je les emmène et je les ramène à un aéroport proche. Avec moi, pas de stress ni de pression comme dans les voyages de groupe où l’on doit attendre ou courir pour suivre. Je vais tout filmer et publier sur YouTube, pour faire de la promotion mais aussi permettre à celles et ceux qui ne peuvent pas venir de profiter des plus beaux endroits d’Europe. Avec mes compagnons de route, je veux désormais regarder notre belle planète avec admiration et amour, sur place. Je m’inspire en partie de l’émission « De Columbus » de Wim Lybaert sur la VRT, la télévision publique flamande. Mon premier voyage prévu partira en avril 2026 pour l’Islande, où je resterai trois mois. Ensuite, il y aura sans doute une proposition pour les Pouilles, dans le sud de l’Italie, qui est devenue un peu ma seconde patrie car ma compagne y a ses racines. Et puis je peux toujours créer des sites web depuis ma vie nomade pour diversifier mes revenus. Revenir au train-train du neuf-à-cinq est exclu : je veux vivre maintenant, entreprendre et profiter, sans penser à épargner pour plus tard, pour une pension qui, dans un pays comme le nôtre, n’est même plus garantie.”

Whatsapp me Telegram me